Site Loader

L’atelier de la bergerie des Arbolèts est composé d’un troupeau mixte en chèvres (Alpines) et brebis (Lacaunes) laitières. Hugues est à l’origine de ce projet en 2016 avec une vingtaine de chèvres et une vingtaine de brebis. Son installation s’est faite en mode « Mc Giver » avec l’auto-construction des bâtiments à base de bois de récup et de palettes. La partie fromagerie est réalisée avec deux algecos et un container pour l’affinage des fromages.

Eléonore a rejoint Hugues dans l’aventure en 2019 et le GAEC de la Bergerie des Arbolèts a été créée en 2020. Actuellement, la bergerie comprend 38 chèvres et 67 brebis en lactation qui sont traites une fois par jour (monotraite). La SAU est composée de 44 ha ( 10 ha en méteil, orge et féveroles / 12 ha de pâturage accessible et le reste en prairie de fauche). La production laitière moyenne par chèvre est de 700 L/an et celle des brebis de 300L/an. Ces résultats sont très satisfaisants en monotraite car les indicateurs de référence annoncent des baisses d’environ 20% de la production dans ce type de pratique. Ceci peut s’expliquer par leur système d’alimentation très pointu. La ration est composée de trois repas par jour avec une base fourragère riche en légumineuses (foin tréflé, foin luzerné, foin graminés et enrubanné) et une complémentation en concentrés fermiers (orge, féverole et méteil) à hauteur de 800 g/animal/jour en 2 repas. L’enrubannage est distribué à hauteur de 30% dans la ration de base. Malgré des risques de bactéries butyriques sur les fromages, il permet de réaliser des coupes de fourrages précoces et riches en énergie dans une région où les étés sont très secs et la possibilité de faire du foin après juillet est nulle.

Afin de répartir la production de lait au maximum tout au long de l’année (de février à début décembre), les femelles sont groupées en lots et chaque lot est mis à la reproduction en décalé pour étaler les mises bas. Pour la reproduction, ils utilisent deux mâles reproducteurs par espèces qu’ils changent environ tous les trois ans pour limiter la consanguinité.

La traite est réalisée avec un système de pots trayeurs (4 pots avec 2 griffes/pots). Que ce soit pour les brebis ou chèvres le système est le même, c’est simplement les pulsateurs d’air qui sont modifiés pour avoir des débits de traite différents entre les deux espèces (cela est lié à leur spécificité mammaire). Hugues et Eleonore mettent particulièrement l’accent sur la qualité sanitaire du lait pendant la traite car la majorité est transformée en lait cru et cela permet de limiter les problèmes en fromagerie (gonflement des fromages, risques sanitaires…). Ainsi à chaque passage d’animaux, les « premiers jets » sont tirés pour vérifier qu’il n’y ai pas d’infection. En fin de traite, un produit de trempage antibactérien est appliqué sur les trayons pour éviter les mammites (infection de la mamelle). Le moment de la traite, est aussi pour eux, l’occasion de faire le suivi sanitaire du troupeau en vérifiant l’état de santé des animaux et de pratiquer des soins si nécessaire. Le lait collecté dans les pots est versé dans des bidons de 10L pour être transporté à la fromagerie qui se situe à une centaine de mètre de la bergerie à l’aide d’un quad muni d’une remorque.

Lorsque le lait arrive à la fromagerie, il est filtré puis :

  • Soit il est stocké dans un tank réfrigéré pour faire du report pour le lendemain.
  • Soit il est directement mis en fabrication.

La fromagerie est donc organisée en deux algecos. Un premier qui sert de yaourterie et laverie car il est équipé d’un pasteurisateur de 160L, d’une étuve pouvant accueillir environ 120 pots de yaourts, d’une plonge et d’un stérilisateur (machine à laver professionnelle). Un deuxième algeco est destiné à la fabrication des fromages et est muni d’une cuve de 300L, de deux tables d’égouttage, de trois haloirs (armoires d’affinage pour les fromages lactiques) et de bassines de caillage pour les lactiques. L’intégralité du lactosérum est distribué aux cochons de Noémie 3 à 4 fois par semaine avec un quad.

Cette partie production est plutôt déléguée aux salariés et occupe quasiment 2 temps pleins du lundi au vendredi pour 45 000L de lait transformé/an (pas de transformation le weekend). L’atelier fromagerie, afin d’instaurer un cadre de travail aux salariés, est très encadré par des instructions de travail, des planning de production et des fiches de fabrication mis en place par Hugues. Les fromagers doivent remplir tous les jours ces documents en indiquant les différentes opérations réalisées et certains paramètres de fabrication (température, acidité, dosage de présure et ferments). Cette spécificité permet d’avoir un historique des conditions de fabrications pour les associés (Hugues et Eleonore) et d’avoir un outil de communication pour les tâches à réaliser quotidiennement.

Au niveau des fabrications, ils transforment une diversité importante de produits grâce aux deux types de lait. Pour chaque transformation (60% tommes, 20% yaourts, 20% fromages lactiques) ils développent une gamme « chèvre », une gamme « brebis » et une gamme « mixte ». Les circuits de commercialisation se font via deux marchés hebdomadaires, une quinzaine d’épiceries bio sur Auch et Toulouse (2 tournée de livraisons/semaine), et avec des collectivités pour livrer quelques écoles. La valorisation du lait est en moyenne de 3,20 €/1000L HT, pour un CA en produits transformés proche de 145 000€. En plus de cela, plusieurs ventes de colis d’agneaux, chevreaux et d’animaux de réformes sont réalisées annuellement avec un boucher s’occupant de la prestation de découpe. Le reste du produit viande se fait via une coopérative d’engraissement pour les agneaux qui sont vendus à 15 kg (4€/kg en moyenne) et via un engraisseur pour les chevreaux, vendus à 8€/kg.

Actuellement le système commence à atteindre ses limites en terme d’organisation et de temps de travail. Lorsque Hugues a lancé l’auto-construction de son bâtiment il avait simplement pour idée d’y rester 1 à 2 ans pour lancer son projet avant d’investir dans quelque chose de plus confortable. Mais après 4 ans d’activité, les bâtiments sont restés à l’identique avec beaucoup de bricolage pour agrandir annuellement les locaux avec un effectif de bêtes en croissance. Cela a eu pour avantage de limiter l’investissement de départ mais le système arrive au bout de ses limites. Il est en effet très gourmand en main d’œuvre : 2 apprentis + 1 stagiaire + 2 salariés + 1 à 2 woofers + 2 associés. Soit beaucoup de personnes ramenés au nombre d’animaux avec des astreintes quotidiennes très longues (3h de traite, 4 à 5h de nourrissage/paillage et soins des animaux). Cela essentiellement dû à l’inconfort de l’installation qui demande beaucoup de manutention.

Aujourd’hui, le projet est en pleine transition et évolution avec la construction d’un nouveau bâtiment qui permettra d’accueillir une cinquantaine de chèvres et une centaine de brebis en lactation avec leur suite (20% de renouvellement par espèces). Pour la partie transformation, une nouvelle fromagerie sera attenante à la bergerie et un espace sera réservé à la découpe de viande. L’objectif des associés est de gagner en confort de travail et efficacité pour faire vivre 4 à 5 associés et devenir moins dépendant des stagiaires/salariés/woofers à termes. Même si ce projet représente un énorme investissement (900 000€), il permettra sur le long terme d’avoir une structure beaucoup plus ergonomique et attirante pour de potentiels futurs associés.

Cette expérience nous a montré qu’il pouvait y avoir un certain risque de s’installer en faisant l’économie d’investissement sur l’outil de travail de départ. Certes cela permet de démarrer plus facilement en diminuant le taux d’endettement mais sur le moyen puis le long terme cela demande énormément d’énergie pour tenir le rythme de travail supplémentaire.

Thomas Gery